Articles de presse

ARTS ACTUALITÉ MAGAZINE

N° 147 – Juillet-Août 2005 par Thierry Sznytka

Magiques, féeriques, les vocables ne manquent pas pour
qualifier cette peinture qui stimule l’imaginaire, tant
l’artiste élabore avec maestria un monde d’une grande
richesse.

Dans cet univers dédié à la beauté, les femmes
découpent leurs silhouettes avec une élégance discrète
qui flirte avec la perfection. Elles dégagent une aura aux
sensations émotionnelles infinies. Andrzej Malinowski
magnifie l’image féminine, propulsant ces égéries de
l’ombre vers la lumière dans une pose extatique qui
sublime le caractère de la scène. La séduction opère,
née de la richesse de ces harmonies lumineuses qui
envahissent l’espace de leur force intérieure. Le mélange
de couleurs joue avec les transparences pour offrir à ces
compositions un caractère ineffable, conditionné par
la grâce de la pose et la subtilité de l’expression.

Chaque toile est un univers singulier propice à susciter
le rêve, en divinisant l’image de la femme. La beauté
à la fois charnelle et formelle acquiert une valeur
intemporelle qui dépasse le phénomène de la simple
représentation figurative. Travaillé à la manière des
Icônes Byzantines, l’arrière plan mélange les pigments
naturels et la feuille d’or dans une alchimie complexe
qui participe à la création d’un sentiment de préciosité.
Dès lors les personnages apparaissent auréolés de cet
écrin pictural, qui met en valeur leur beauté à la fois
mystérieuse et emblématique. Les drapés, les ailes
suggérées, les yeux mi-clos, contribuent à transcender
le réalisme pour flirter avec un mysticisme de pensée.
Nous sommes ailleurs, dans un univers sublime
entièrement dédié à la beauté, qui s’ouvre au spectateur
comme une énigme sur la vie.

La maîtrise du dessin et l’incroyable subtilité
chromatique, alliées à une technique irréprochable,
font de ces toiles des œuvres rares, capables de montrer
le visible et de faire découvrir l’invisible. D’autant que
l’artiste se plaît à préserver la discrétion des symboles
qui se cachent dans ses décors. La richesse
iconographique rivalise avec la subtilité de la matière
pour écrire une œuvre porteuse d’espoir. Tel un grand
compositeur, Andrzej Malinowski entraîne le spectateur
à la découverte de son royaume, réussissant
à faire perdre la perception du réel pour entrouvrir
les portes d’un monde parallèle, aux dimensions
spirituelles.

Classique dans son écriture et original dans son
approche picturale, cet artiste s’inscrit parfaitement
dans la recherche de qualité engagée par les galeries
Bartoux qui l’exposent en permanence.

 

ARTS ACTUALITÉ MAGAZINE

N° 165 – Novembre-Décembre 2008 par Valère-Marie
Marchand

Byzance, silence et essence, tels sont les trois thèmes
de cette exposition que l’on visite avec un grand plaisir
au Musée d’art et d’histoire Louis Senlecq, à l’Isle Adam.
Cette rétrospective qui est une première en France nous
propose un tour d’horizon assez complet sur
la démarche de cet artiste atypique, à la fois portraitiste
et excellent paysagiste. Les uns apprécieront ses
portraits qui ne sont pas sans rappeler les effigies
de l’Art Nouveau. Les autres préféreront la série
de paysages empreints de mysticisme et de poésie.
Certains enfin songeront à Alphonse Mucha et
à Gustav Klimt et seront séduits par le regard enchanté
de cet enchanteur. Où commencent les sortilèges
du regard ? C’est sans doute l’une des questions
subsidiaires de cette œuvre qui pourrait se définir
comme un voyage du visible vers l’invisible.

Connu pour ses nus lumineux, aux yeux mi-clos,
ses drapés de matières et ses icônes de la féminité,
Malinowski peut aussi faire du moindre paysage
entrevu une imagerie intemporelle. “Pour moi, nous dit-il
volontiers, l’art est une manière de vivre face aux autres,
pour les autres. C’est créer un pont d’émotions
communes.” Pour nous, l’œuvre de Malinowski s’inscrit
à coup sûr dans ces univers du silence qui tournent
résolument le dos à la facilité et à la surenchère visuelle.
Fantastique, symboliste, onirique… Les adjectifs ne
manquent pas pour qualifier cet univers pictural qui se
situe toujours à la frontière du monde tangible
et qui semble transcender chacune de nos perceptions.

Le sommeil et le temps suspendu- autres thèmes chers
à l’artiste - hantent en effet cette réflexion sur l’acte de
voir. Avec Malinowski, on n’est, en effet, jamais loin de
la clef des songes et l’on finit toujours par bifurquer vers
une dimension insoupçonnée. Le conte de fées et le
merveilleux ne sont pas étrangers à cette galaxie
peuplée de bons et mauvais génies, à ce monde
parallèle où règnent des déesses et des divinités d’un
autre âge, à ce royaume ignorant les aléas du temps
pour le grand bonheur de ses nymphes et de ses belles
aux bois dormants…

 

Résidant aujourd’hui à la campagne, Andrzej
Malinowski est l’un de ces peintres qui savent se
construire et se préserver des modes. Intemporelle et
sereine, son œuvre joue à dessein sur nos démarcations
intérieures. Il en résulte une traversée des apparences
qui va au-delà de la simple contemplation des formes…

 

VIVRE EN VAL D’OISE

N° 62 – Juin-Juillet-Août 2000 par Patrick Glâtre

En 1988, la France entière puis le reste du monde
découvrent, médusés, un film étrange qui va devenir très
vite culte pour toute une génération. Le Grand Bleu,
de Luc Besson, bat tous les records de fréquentation.
Au-delà de l’intrigue, la musique d’Éric Serra et l’affiche
d’Andrzej Malinowski contribuent elles aussi au succès
du film. L’affiche représentant une silhouette humaine
accompagnée d’un dauphin au milieu d’une mer
immense, éclairée par la lune, est l’œuvre d’un artiste
valdoisien.

“Luc Besson connaissait mon style de travail, mon goût
pour la nature et les paysages imaginaires, ma
dominante bleue et ma rêverie naturelle, raconte
Andrzej Malinowski. Je n’avais pas le droit de voir les
rushes du film. Il m’a seulement demandé d’évoquer
l’infini bleu avec beaucoup de poésie. Les idées me sont
ensuite venues comme les éléments d’un poème :
évoquer la lumière en pleine nuit, tendre un miroir
entre les flots et l’horizon, traduire l’amitié entre
l’homme et l’animal par le toucher du doigt.
La représentation de la plongée en apnée prend, elle,
sa symbolique par l’envol des deux personnages hors
de l’eau”.

Le support publicitaire du Grand Bleu véhicule
un mythe universel et, chose rarissime, fera le tour
du monde en franchissant les barrières culturelles
des autres pays, sans connaître aucune transformation
ou modification.

Trois ans plus tard, Jean-Jacques Beinex choisit le
Polonais pour son film IP5. Le hasard faisant bien les
choses, l’affiche de IP5 est la réplique «verte» de
l’affiche du Grand Bleu. Là encore, les personnages sont
minuscules, perdus au milieu d’une immensité, reliés
par un geste d’amitié.

Andrzej Malinowski peint les paysages. Pas d’une façon
naturaliste. Il crée pour nous des fenêtres donnant sur
un rêve, un ailleurs où on aimerait se promener.
“C’est l’espérance d’un captif d’un horizon lointain”.
Un lointain intérieur, évoquerait Michaux…

Le poème culte de toute la Pologne, Monsieur Thaddée
écrit par le poète romantique Adam Mickiewicz
(et adapté récemment à l’écran par Andrzej Wajda),
commence par les vers évoquant un paysage lituanien
de son enfance, un univers idyllique rempli de nostalgie,
tout cela pour le «réconfort d’une âme émigrée».
“Sans préméditation, je me retrouve assez dans cette
démarche universelle. Nous sommes tous des émigrés
de quelque part, de quelque chose”.

Cette approche de l’imaginaire illustrera de nombreux
autres films comme Un Thé au Sahara, de Bertolucci,
Le Soleil même la nuit, des frères Taviani, Nostalgia,
de Tarkovski, ou l’adaptation de Les possédés
de Dostoïevski par Wajda.

L’illustrateur mondialement reconnu cache en fait un
peintre remarquable. Les thèmes principaux sur lesquels
il travaille en ce moment sont «la femme»
et «le temps».

“Easpect charnel de mes nus est estompé au bénéfice
de l’expression très particulière de mes modèles. Les corps
lumineux, diaphanes, les yeux mi-clos, la mise à nu et
la pudeur, créent une atmosphère quasi religieuse.

Mes femmes viennent de l’ombre vers la lumière.
Elles sont la lumière, la pudeur, la dignité, le mystère.
Ces tableaux sont pour moi les icônes de la féminité”.

Et le temps ?

“Mes horloges, en revanche, je les vois comme des icônes
dérisoires, absurdes, du temps qui passe, qui s’en va, mais
qui reste ; qui guérit du rêve, qui guérit même de la vie”.

Diplômé de l’école des Beaux-Arts de Varsovie,
Andrzej Malinowski quitte la Pologne en 1973 pour
s’installer à Paris. “J’avais un besoin, plus fort que tout,
de voir ailleurs, de partir, d’être mon propre Oncle
d’Amérique. Partir c’était espérer…”.

Après plusieurs années à Paris où il a peint toute une
série de grands paysages, il découvre tout naturellement
le Val d’Oise :

“Autant de verdure aussi proche de Paris, c’était incroyable!
Dans cette région, je pouvais me perdre dans la nature
sans vraiment quitter la capitale. J’aime avoir cette double
sensation d’être si isolé et si proche des autres. J’aime aussi
les grands et petits plaisirs de pouvoir rentrer chez moi
par des chemins détournés, me balader dans les bois tout
proches, respirer le vent des champs, voir de mes fenêtres
le paysage à perte de vue, si changeant au gré du temps
et de la lumière. J’aime me sentir enraciné dans la terre
et contempler l’espace. J’aimerai un jour, dans mes
tableaux piéger ces instants, leur donner l’illusion
d’une éternité, d’une intemporalité…”.

Quand on lui demande sa maxime préférée,
Andrzej Malinowski opte pour celle de Soichiro Honda :

“La valeur de la vie ne peut se mesurer que par le nombre
de fois où l’on a éprouvé une passion ou
une émotion profonde”.

N° 113 – Janvier-Février 2009
par Geneviève Roche-Bernard

Tout le monde connaît – peut-être sans le savoir – au
moins une œuvre d’Andrzej Malinowski : l’affiche
réalisée pour Le Grand Bleu nommée aux Césars du
Cinéma en 1988…

C’est forcément réducteur, comme si l’on ne connaissait
de Beethoven que l’Hymne à la joie ou la Sonate au Clair
de lune; ou de Chopin la Marche funèbre ou la Grande
valse brillante…

Fidèle à son rôle «d’agitateur de neurones» mais aussi
de pédagogue, le Musée d’Art et d’Histoire Louis Senlecq
présente la première rétrospective consacrée, dans un
musée français, aux travaux les plus récents
de cet artiste hors du commun.

Car telles sont les missions d’un conservateur : donner
à voir, faire découvrir, partager et permettre de s’enrichir.

Mûri depuis deux ans, l’accrochage s’organise en trois
grands volets (Byzance, Silence, Essence), dont les titres,
sont à eux seuls, un voyage. Un voyage dans l’histoire
de l’art et les références incontournables aux grandes
créations : l’Antiquité, tout d’abord, avec le poli, froid et
nacré emprunté au marbre de quelque Vénus accroupie
(Écho, 2007) ; Byzance, avec ses fonds d’or qui
transforment les figures féminines et les haussent
au niveau d’icônes, «symboles intemporels d’espoir,
de bonheur, de pudeur, de charme et de mystère» ;
certains décors latéraux, rinceaux végétaux en léger
relief évoquent quand à eux les cuirs estampés, en
vogue à la Renaissance.

Cette opulente chevelure, digne de quelque Vénitienne,
c’est le Titien bien sûr… Et la petite danseuse (Aurore,
1998) a toute la grâce d’un Degas…

Quant à la perspective ouverte dans ce parc à la
française (Passage, 1996), elle n’est pas sans rappeler
certains clichés réalisés par Atget à Sceaux, Saint-Cloud
ou Versailles.

Il n’est pas de création artistique qui ne se nourrisse, peu
ou prou, des «Maîtres» – l’actualité culturelle est
là pour nous le rappeler – ou en tous cas des
prédécesseurs.

Malinowski a fait siennes ces sources d’inspiration, lors
de sa formation autodidacte, puis lors de ses études à
l’Académie des Beaux-Arts de Varsovie, à partir de 1967.
Il en résulte le plus souvent une alchimie mystérieuse,
parfois même un peu inquiétante comme dans ses
paysages. Cette impression – ou plutôt cette émotion –
est renforcée par la technique employée : la peinture à
l’acrylique, qui confère aux figures un aspect poudré,
comme le ferait un aérographe et nimbe les sujets d’une
luminosité particulière comme si la scène était éclairée
par des spots.

La finition des toiles, dans la pure tradition de la
peinture à l’huile, exacerbe le détail et l’on cherchera
vainement un défaut dans l’or flamboyant d’une mèche
qui se pare de tous les reflets de l’or flamboyant, le poli
d’un ongle, le reflet d’une étoffe de soie – digne d’un
soyeux lyonnais – la blancheur d’une jupe de coton,
comme décroché à l’instant de la corde à linge…
Les dentelles ou les gazes possèdent, à elles seules,
une précision toute photographique.

Le public adamois, davantage habitué à la touche grasse
de la peinture à l’huile et aux impalpables glacis des
œuvres du XIX e siècle aura sans doute été dérouté par
cet accrochage… Il ne faut pourtant pas s’arrêter à une
première impression, due sans doute
à un grand nombre de figures féminines – on regrettait
lors de l’inauguration, et unanimement, le trop petit
nombre de paysages – un manque de recul pour les
grands formats, parfois écrasés par manque de recul
ou un plafond un peu bas… Les cimaises du Centre
Lartigue se prêtent évidemment davantage – et mieux –
à la présentation de moyens formats.

Il faut revenir, et peut-être plusieurs fois : l’œuvre de
Malinowski n’est pas celle que l’on peut appréhender
et apprécier à sa juste valeur à la première visite.

Deux surprises sont réservées au visiteur, en fin
de parcours : récompense ou mise en bouche ?
Deux superbes dessins, aux deux crayons – l’artiste
et son épouse – qui se font face, deux regards qui se
répondent. La technique au crayon ne pardonne pas,
et l’on saisit, avec ces deux pièces, tout à la fois l’art
consommé de Malinowski, mais aussi sa spontanéité
et sa quête du Vrai. À eux seuls, ils dévoilent
sa personnalité : une exigence et une recherche
constante de la perfection qui transparaissent dans
la nervosité et la précision du trait. Pour autant,
il émane de ces deux portraits, une grande douceur
et une émotion très forte.

Tout à côté, dans la pénombre d’un espace vidéo,
l’artiste nous invite à participer, dans le secret de son
atelier à la blancheur presque chirurgicale, à la création
d’un tableau. Néophytes et amateurs, adultes et enfants
seront subjugués par la qualité de ce petit film qui
montre, étape par étape, le travail du peintre.

“Si, - dit Malinowski – les gestes doivent rester très
organisés, structurés et rythmés comme le tic-tac d’une
horloge», l’émotion n’est pas absente de ce reportage
comme millimétré : il suffit pour s’en convaincre, d’arrêter
son regard sur le paysage vexinois qui scande les diverses
étapes de création, et de façon plus fugace, sur un doigt
qui estompe une couleur à la surface de la toile.

La dernière salle est consacrée aux paysages…
Cette pause verdoyante repose l’œil de toute cette
flamboyance… Mystérieux et oniriques, ils nous livrent
une autre facette de celui que l’on a appelé un peu trop
vite et un peu trop légèrement «le peintre des rousses»”.

Nous sortons de là comme un peu orphelins, ou en
manque… de Nature, certainement, d’autre chose
peut-être : en savoir plus sur cet artiste, qui à l’abri des
«modes» a su développer un style qui lui est propre,
mais où chacun d’entre nous peut y trouver une
résonance.

Et n’en déplaisent à ses détracteurs, oui, l’hyperréalisme
peut faire rêver… Laissons-nous simplement
(trans)porter…